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Ariana Vafadari : « Ce qui est frappant chez les Iraniens, c’est cette forme de résilience »

par Amélie Blaustein-Niddam
20.06.2025

Chanteuse lyrique franco-iranienne, Ariana Vafadari fait de sa voix un outil de résistance. Entre récits intimes et engagement politique, elle tisse des ponts entre les cultures, les époques et les luttes. Nous avons souhaité l’interroger sur son parcours, ses prises de position, et son lien avec l’Iran. Une conversation vibrante, marquée par l’espoir qu’enfin, le régime des Mollahs cesse après 46 ans de terreur.

 

 

 Pour commencer, vous avez clairement pris position, notamment en faveur des droits des femmes, à travers un projet que j’ai découvert, intitulé 4Femmes. Pourriez-vous nous raconter ce projet ?

 Ce projet est né pendant la période du Covid, à l’occasion d’une commande que j’ai reçue de la maison Cartier, dans le cadre de l’Exposition universelle de Dubaï. J’avais entamé l’écriture de la musique, plusieurs thèmes me trottaient dans la tête, mais aucun fil conducteur ne s’imposait vraiment. À ce moment-là, j’étais en lien avec l’Asian University for Women, située au Bangladesh, qui accueille des jeunes femmes issues de milieux pauvres et très pauvres, originaires de 72 pays asiatiques grâce à un mécénat privé.

Lorsque la pandémie a débuté, j’avais déjà trouvé des concerts dans différentes parties d’Asie pour faire un genre d’adaptation de mes œuvres avec ces jeunes filles. J’ai échangé avec la personne chargée de leur encadrement, qui les faisait entre autre chanter et avec qui je souhaitais collaborer. Il m’a confié, désemparé, qu’une à une, les jeunes filles retournaient chez elles à cause du covid. Les étudiantes afghanes, en particulier, étaient toutes reparties. Il me disait que chaque semaine, une famille décidait de retirer sa fille de l’université : elles étaient assignées aux tâches domestiques, mariées de force… Il y avait un sentiment d’abandon total.

Face à cette situation, je lui ai proposé de sélectionner trois jeunes femmes qu’il considérait comme particulièrement investies, et de les intégrer au projet. Nous les avons fait venir chez moi à Paris pour travailler ensemble à la création, puis à Dubaï pour la présentation. L’idée était qu’elles puissent témoigner, sur scène, de leur effondrement, de leurs trajectoires personnelles, et que ce projet devienne pour elles un lieu de résilience. Le nom de Cartier a aussi permis de légitimer cette aventure auprès de leurs familles, ce qui a débloqué de nombreuses résistances.

Aujourd’hui, deux d’entre elles sont diplômées de Sciences Po, une autre est en poste dans le domaine du marketing et a intégré une université de géopolitique. L’une d’entre elles a ainsi échappé à un mariage forcé, et les deux autres ont échappé à être cloîtrées dans leur village ou vendues comme femmes de ménage, femmes d’intérieur. C’est ainsi qu’est née la première version de 4Femmes.

Que s’est-il passé ensuite ?

Ce qui m’anime, sur scène, quel que soit le projet, c’est cette traversée que l’on vit ensemble — mes musiciens, moi, et le public. À travers la musique, je partage mes failles, mes traumatismes, mes espoirs, mes rêves, et j’ai constaté que peu importe la langue dans laquelle je chante, cette traversée touche les gens. Dans la nouvelle version de 4Femmes, j’ai intégré des artistes professionnelles, qui, elles aussi, livrent une part de leur histoire. Les textes ont été écrits par Atiq Rahimi, prix Goncourt. Parmi les interprètes, il y a une chanteuse de musique hindoue, qui évoque ses années passées en Inde et sa relation à son corps ; une autre, d’origine turque, dont j’ai également adapté le récit.

 

Je pensais que vous aviez adapté les histoires des premières jeunes filles, mais en réalité, vous vous inspirez désormais de vos interprètes.

Oui, tout à fait. Mais ce que je constate, c’est qu’au niveau intime — même si, bien sûr, aucune des artistes sur scène aujourd’hui ne parle de mariage forcé —, des thématiques récurrentes reviennent : la relation au corps, la manière dont les femmes sont perçues, la difficulté à s’émanciper, à s’affirmer, à faire des choix pour soi-même. À différents degrés, nous traversons toutes ces enjeux. Même nous Occidentales nous nous disons que nous n’avons peur de rien, que nous sommes prêtes à tout…

Plus ou moins tout de même

Mais c’est aussi pourquoi le mouvement «Femme, Vie, Liberté» en Iran a tant touché les femmes en Occident. Ce combat résonne dans nos existences quotidiennes. Il nous confronte à nos propres limites : on pense être libre, puis on s’aperçoit qu’on s’est tue, qu’on s’est conformée, qu’on ne s’est pas entièrement rebellée. Ce courage des Iraniennes, prêtes à mourir pour leur liberté, leur corps, leur sexualité, fait donc écho chez toutes les femmes, réveille quelque chose en chacune de nous puisqu’au final, à des degrés divers, nous vivons des luttes comme cela dans notre quotidien.

Vous venez d’évoquer l’Iran, et je voulais justement y venir, mais via un petit détour : vous travaillez avec Philippe Cohen Solal, que j’adore, et j’ai découvert que vous aviez travaillé sur les textes du rappeur Toomaj. Pouvez-vous me parler de cette collaboration ?

Lorsque Philippe m’a contactée pour ce projet, Toomaj venait tout juste d’être libéré de prison. Il a alors écrit un morceau — un rap — qu’il a enregistré à sa sortie de prison, car pendant sa détention, ses œuvres étaient évidemment interdites. Ce texte est une déclaration d’amour, à la fois à sa bien-aimée et à sa patrie. Il y évoque ce qui lui a permis de tenir : les yeux de sa bien-aimée, l’Iran, et l’amour. En l’entendant, j’ai proposé à Philippe qu’on mette le texte en musique et qu’on demande à Toomaj l’autorisation de l’utiliser. J’ai immédiatement proposé à Philippe de mettre ces mots en musique, à condition bien sûr d’obtenir l’accord de Toomaj. J’ai composé une mélodie à partir de fragments de son texte. C’était un moment très fort, d’autant que plusieurs membres de ma propre famille étaient alors en détention, et que les violences liées aux manifestations nous touchaient directement. Le jour même où nous devions enregistrer, nous avons appris qu’il avait été de nouveau arrêté et emprisonné. (NDLR, cette interview, a été réalisée le 19 juin 2025, l’artiste venait d’être encore une fois incarcéré). Nous avons malgré tout sorti le morceau, en passant par l’une de ses amies. Ce qui me touche chez Toomaj, c’est sa dignité : dans une vidéo qu’il a publiée après sa libération, on le voit affaibli, le corps meurtri — il a manifestement été torturé — mais il ne se plaint pas. Il dit simplement : «Je vais bien, moi j’ai de la chance, j’ai été libéré.» Il incarne une force et un courage rares, une figure essentielle pour le peuple iranien.

 

Vous avez parlé à plusieurs reprises depuis qu’on a commencé à parler du fait qu’il a été emprisonné, puis relâché, puis ré-emprisonné. Vous avez également parlé de votre famille emprisonnée comme d’une chose presque ordinaire. Est-ce devenu un aspect intégré à votre quotidien, cette violence du régime ?

J’ai beaucoup voyagé en Iran dans mon enfance, et j’y ai passé tous mes étés. J’ai moi-même été brièvement arrêtée. Ce qui est frappant chez les Iraniens, c’est cette forme de résilience. Un de mes proches vient de retourner à Téhéran, et cela fait quatre jours que nous sommes tous inquiets. Il nous a envoyé un selfie avec sa femme et un sourire, en nous disant « ne vous inquiétez pas, j’ai une chance folle : je suis revenu à la maison chercher mes affaires, et la bombe est tombée juste derrière moi ». Les Iraniens sont comme cela, c’est une attitude à la fois tragique et profondément courageuse.

Il y a quelque chose de très lumineux malgré l’horreur

Oui. Il y a cette capacité à pleurer puis à rire l’instant d’après, à se relever sans cesse. En ce moment, cette menace qui pèsait sur l’Iran depuis 46 ans est là, donc c’est un cauchemar qui devient réalité – et en même temps, il y a cette envie de se battre en permanence qui est extrêmement forte. C’est ce que m’ont toujours transmis les membres de ma famille. Et ce sont les gens qui ont le plus souffert dans ma famille qui me disent le plus d’y aller, de me battre, et quand je leur dis que je vais sortir telle chanson, que j’ai fait un texte sur la liberté et sur le fait de ne pas avoir peur, ou que je vais faire telle ou telle émission qui est complètement interdite en Iran… ils me disent « vas-y». Mon père, qui était une figure principale de la minorité dont je suis issue, a été assassiné il y a vingt ans. Il avait ce même courage tranquille : quand je lui disais qu’il y avait une menace, il me répondait «On verra bien, on avance». Cette attitude, on la retrouve aussi chez les Israéliens – c’est pour cela que les deux peuples sont aussi proches – : cette combinaison de souffrance et de force de vie. On boite, on est blessé, mais on sort quand même, on enlève notre foulard, on chante… Je ne vais pas du tout me comparer au courage des Iraniens qui habitent sur place parce que pour moi, c’est plus facile, je sais toujours que je reviens en France, et puis là malheureusement, je n’ai plus le droit d’y aller, mais en tout cas, il y a ce courage extrême chez les Iraniens et toujours quand on est ensemble, on rit, on parle fort, on a peur de rien, il y a cette sorte de gros caractère.

Je vois la joie des influenceurs et influenceuses iranien·ne·s,  je vois cette joie au milieu du chaos et de la guerre, comme un espoir que toute la violence du régime s’arrête enfin. En France, en revanche, la perception est très tranchée : l’opinion condamne Israël, sans jamais évoquer l’idée que cette guerre pourrait — peut-être — déboucher sur une libération du peuple iranien. Comment vivez-vous cette ambiguïté, vous qui êtes entre les deux pays ?

 

Cette ambiguïté est très réelle. On voit les bombes israéliennes frapper des secteurs-clés du régime, et cela peut sembler positif… Mais ces bombes tombent aussi sur la population. Donc ce sont des souffrances, une peur, et pour ceux qui ont vécu la guerre Iran/Irak ce sont des traumatismes qui remontent de manière extrêmement violente. Il y a un immense désespoir, on peut pleurer, crier, puis parfois surgit un espoir brutal, intense, que « cette fois-ci, ça y est, dans une semaine, on pourra renverser le gouvernement ». Il y a aussi ce sentiment très douloureux que le monde entier se réjouit presque que l’Iran soit bombardé, comme si c’était l’aboutissement d’un fantasme collectif des États-Unis, d’Israël, de l’Europe : celui de voir « les méchants Iraniens» punis.

Vous avez dit tout à l’heure : «Je n’ai plus le droit d’y aller » Si cette guerre aboutit à une libération, vous pourriez y retourner ?

C’est notre rêve, de retourner dans notre pays bientôt libre. Mais nous avons été tant de fois déçus que nous n’osons plus trop y croire. Lorsque j’ai commencé à m’exprimer contre le régime, je me suis préparée à ne plus jamais revoir mon pays. Peut-être que j’y retournerai très âgée… mais évidemment, au fond de moi, j’espère que ce sera plus tôt, même si je n’ose pas vraiment y croire. Ce matin encore, une amie m’a dit : « écoute il y a des gens qui disent que… bientôt ! »Ça m’a redonné espoir. Mais hier, je ne pouvais même pas chanter, tant j’étais submergée par un sentiment inverse.

 

Merci  pour ce précieux témoignage. Et d’un point de vue très promotionnel est-ce que vous avez un disque en ce moment ? Quelle est votre actualité ?

 

Ariana : Oui, je viens de sortir deux nouveaux titres dans le prolongement de mon album 75010. Il s’agit de deux reprises : Madame rêve d’Alain Bashung et un morceau de John Lennon dont je n’ai même pas pu faire la promotion puisque c’est sorti juste là pendant la guerre. Le disque, initialement bleu, est maintenant décliné en version jaune. Madame rêve traite d’érotisme et de modernité — nous l’avons créé sur scène avec Philippe Cohen Solal. Cet été, je pars en tournée avec le Quatuor Debussy pour une série de concerts mêlant Vivaldi, Haendel et le compositeur iranien Von Shy Merani, dans une rencontre entre musique baroque et mes compositions personnelles. À la rentrée, je reprendrai Anahita à l’Opéra de Nice, puis plus tard 4Femmes sera joué à l’Opéra de Bordeaux pour la Journée internationale des droits des femmes. En novembre, je mènerai également une collaboration à Essaouira avec des femmes berbères, dans le cadre du festival d’Essaouira. Nous proposerons les ferons chanter en chœur, en solistes, des chants traditionnels berbères et mes compositions, toujours avec cette volonté de bâtir des ponts entre les cultures et de donner une voix aux femmes. Dans un autre style je chante le Gloria de Vivaldi le 28 juin à Paris à l’église Saint-Louis-en-l’Île.