Avec Archipel | Genesis au Centre d’Art Polaris à Istres, Yacine Aït Kaci propose une réflexion immersive et audacieuse sur les transformations de la réalité dans le monde contemporain. Une exposition hybride qui interroge notre perception de la vérité et de l’imaginaire à grands renforts d’art numérique et d’intelligence artificielle.
Dans une époque où les frontières entre le réel et le fictif se brouillent, Archipel | Genesis devient une métaphore puissante des défis que nous traversons.
Comme l’explique Yacine Aït Kaci lui-même :
« L’idée d’Archipel est née d’une réflexion profonde et d’une métaphore que j’explore depuis longtemps. La forme actuelle remonte à 2020, au moment de l’émergence du Metavers, que j’ai beaucoup investigué.(…) L’Archipel incarne l’idée d’un réseau décentralisé : des fragments, des îles, qui se connectent pour créer un tout cohérent. C’est aussi ainsi que fonctionnent les intelligences artificielles génératives, qui assemblent des fragments pour produire une œuvre unifiée. En 2022 et 2023, face à la montée des crises et à l’effritement du multilatéralisme, la métaphore a pris une résonance nouvelle : celle d’un monde à réinventer, où chacun, depuis son île, contribue à recréer un archipel collectif. »
Chaque île suspendue, réalisée à l’aide d’algorithmes d’IA générative, incarne les tensions entre isolement et interconnexion, entre altérité et unité. Ces paysages numériques sont à la fois des rêves utopiques et des mises en garde des grands bouleversements qui menacent la planète.
Yacine Aït Kaci s’appuie notamment ici sur le concept de « post-réalité », et s’appuie sur des techniques issues de médias immersifs et de l’IA, non pas pour tromper le public, mais pour lui révéler des vérités profondes. Ces « vraies fausses » îles confrontent le spectateur à ses propres croyances et à la perception d’un monde en constante et profonde redéfinition.
L’exposition offre une expérience polysensorielle unique. Chaque île, capturée dans des images d’une précision exceptionnelle, invite à une exploration détaillée, rappelant l’attention minutieuse des peintures flamandes de la Renaissance. Yacine Aït Kaci nous précise son intention :
« Une première salle, white cube, propose 48 tirages de très haute définition (entre 300 et 400 millions), ainsi qu’un mobile suspendu. Tous représentent des îles de l’Archipel, conçues à l’aide de l’intelligence artificielle, défiant les lois de la physique, certaines flottant dans les nuages quand une autre semble suspendue dans les profondeurs de l’océan. De nombreux détails fourmillent dans les images, si bien que la première immersion se fait à travers des petites loupes distribuées à l’accueil et qui permettent aux publics de s’immerger dans l’image. La seconde salle contraste, son obscurité renforce d’expérience. »
Cette expérience visuelle est enrichie par des dispositifs immersifs. Notamment, avec la performance live « Metasia », l’artiste crée en direct des paysages imaginaires. Accompagné par la musique immersive de Stephan Haeri, le dialogue entre les arts visuels et sonores plonge le spectateur dans une symbiose totale entre imaginaire et réalité.
« La musique de Stephan Haeri accompagne une installation immersive, qui transforme les îles visitées dans la première salle. D’autres îles suspendues et des îles animées accompagnent l’expérience. » souligne Yacine Aït Kaci.
Archipel | Genesis s’inscrit dans une réflexion profonde sur l’ère de la post-vérité, où l’abondance des informations et des technologies génératives remet fondamentalement en question nos références. Loin de cultiver la confusion, Yacine Aït Kaci revendique ici un usage positif de l’IA pour construire des mondes alternatifs porteurs de sens :
« ARCHIPEL | Genesis introduit l’idée du Post-Réalisme, la réponse artistique à l’ère de post-vérité et probablement derrière à la post-démocratie. Dans une ère où la vérité scientifique et empirique sont dévoyées par ceux supposés la défendre, le mensonge boosté par l’intelligence artificielle, confusion généralisée s’installe. Désormais, tout peut être faux, et la seule façon d’être absolument certain que ce que l’on voie est vrai, c’est lorsqu’on assume d’être dans la fiction. Avec le post-réalisme dans lequel s’inscrit l’univers d’ARCHIPEL, l’œuvre est un vrai-faux qui s’oppose aux faux-vrais véhiculés par les médias non modérés. »
Chaque île aborde des thèmes globaux tels que la crise climatique, la biodiversité ou les mutations culturelles. Dans ce dialogue entre l’art et son public, l’exposition devient un espace d’invention de récits, appelant à une introspection collective.
Le parcours d’Archipel | Genesis ne s’arrête pas à Istres. Cette création itinérante rejoindra des événements mondiaux tels que la Conférence des Nations Unies sur les Océans à Nice en Juin prochain et la COP30 au Brésil en Novembre prochain. À chaque étape, elle intègrera des éléments locaux – faune, flore et culture – enrichissant cet univers en perpétuelle évolution. C’est ce que nous précise Yacine Aït Kaci :
« C’est le premier chapitre d’une ouverture sur un projet itinérant aux multiples embranchements dont cette exposition est un acte de naissance, une genèse. »
ARCHIPEL | Genesis voit ses deux espaces se répondre et provoquer un sentiment d’apaisement, de quiétude propice à la réflexion voire la méditation. L’exposition offre un temps de paix qui sort les publics de l’injonction généralisée à l’angoisse.
Au-delà de sa dimension artistique, l’œuvre incarne un message d’espoir et de collaboration, où chaque fragment d’humanité contribue à une harmonie globale.
Avec Archipel | Genesis, Yacine Aït Kaci redéfinit les potentialités de l’art numérique. Plus qu’une exposition, c’est une expérience unique qui invite chaque spectateur à devenir acteur en redonnant sens à notre relation à la réalité. En quittant l’exposition, le visiteur emporte avec lui une invitation à rêver, à questionner et à participer à l’écriture des futurs possibles.
Archipel | Genesis, jusqu’au 26 janvier 2025 au Centre d’Art Polaris à Istres.
Photos : YAK