Inspiré de faits réels, Antipodes questionne la notion d’altérité en mettant en scène un Français retenu par une tribu tupinamba au Brésil en 1557.
Au milieu du XVIᵉ siècle, le roi Henri II donne le droit à Gaspard II de Coligny de partir au Brésil y fonder une colonie protestante. C’est Nicolas Durand de Villegagnon qui reçoit le commandement de la flotte de navires, et fonde en 1555 Fort Coligny. Mais toute cette joyeuse colonie est mise à mal par des guerres de religion internes entre protestants et catholiques, et des envies de révolte contre l’inique Villegagnon. D’autant plus que les Indiens, cannibales, ne font pas des voisins recommandables.
Eric Lambé et David B. s’inspirent de ce fait historique pour dérouler l’intrigue d’Antipodes. On y suit Nicolas, capturé par les Tupinambas dès son arrivée sur la côte. Seul survivant, le captif va être dévoré un an après, le temps de l’engraisser et de lui donner une épouse, Pépin, afin qu’il soit le meilleur repas possible. Mais pour éviter sa mort certaine, Nicolas se met à chantonner, captivant la tribu indienne par ses mélodies étranges.
Les deux auteurs restituent un contexte bien particulier, même si une ou deux pages d’explications historiques à la fin de la bande dessinée auraient été bienvenues. On sent l’incommunicabilité qui existe entre catholiques et protestants, et entre Européens et indigènes : « Pourquoi… Les catholiques, les protestants, le péché, l’hérésie… Tout ça, c’est bien difficile à expliquer à un Tupinamba ». L’album est parcouru de personnages hauts en couleur comme ce prêtre fou « persuadé que les paresseux ont une âme et que l’on peut les convertir au christianisme », un Villegagnon autoritaire et colérique ou encore un démon de la peur. Les dessins, faussement simples, aux courbes omniprésentes, composent des personnages poétiques.
Antipodes, Eric LAMBE (dessin & couleurs) et David B. (scénario), Casterman, 112 pages, 22 euros
Visuel : © Couverture de l’album