André Steiner : le Corps entre désir et dépassement au Majh
par Nicolas Villodre17.05.2024
Se tient au Musée d’art et d’histoire du judaïsme jusqu’au 22 septembre 2024 une exposition signée du commissaire François Cheval consacrée au photographe français d’origine hongroise André Steiner (1901-1978). Une manifestation soutenue par le Centre Pompidou et le Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône.
L’ambigu du nu
En une soixantaine de clichés pris dans les années trente, le sportif de haut niveau que fut André Steiner – décathlonien et entraîneur de natation – démontre qu’il fut pionnier dans le domaine de la « photographie sportive ». Ce qui explique que l’exposition du MahJ ait été placée dans le cadre l’Olympiade culturelle 2024, À Vienne, en 1924, il avait adopté le Leica pour réaliser des portraits de Liliy, alias Léa Sasson, sa future épouse. La montée de l’antisémitisme en Autriche le poussa à quitter Vienne pour Paris où il publia ses images dans la presse. Les magazines d’art publiant des photos de nus étant les Playboy et les Lui d’avant-guerre…
En 1940, il s’éloigna de la zone occupée, s’installa à Cannes jusqu’à la Libération et intégra la Résistance. De l’Antiquité à l’âge moderne, de Praxitèle à Rudolf von Laban, la nudité fait partie de l’art en général et de celui du geste en particulier. Elle se justifie pour des raisons sportives, gymnosophiques et esthétiques. Le modèle du peintre, du sculpteur, du photographe, se doit d’être nu pour être représenté ou, inversement, d’être représenté dans son plus simple appareil, comme un être idéal, édénique, anhistorique.
Nouvelle vision
Tandis que la Nouvelle Objectivité picturale tourne le dos à l’expressionnisme, au cubisme et l’abstraction, le courant photographique de la « Nouvelle vision », au contraire, délaisse le naturalisme, cherche de nouveaux angles de vue, d’inédits cadrages, s’inspirant des avant-gardes futuristes, suprématistes et constructivistes. Le sport se prête bien à ces exercices de style du photographe. Le corps masculin ou féminin peut être capté sous toutes les coutures. Les sauts en tous sens qui, en plans rapprochés, font perdre tous repères, peuvent faire songer à ceux de la séquence de plongeons du film de propagande Olympiade (1938) de Leni Riefenstahl. Le corps du sportif de compétition et l’idéal de l’homme nouveau, il faut bien le dire, ayant été prônés par les régimes politiques de tout acabit.
Pour Steiner, la qualité primordiale d’un modèle est de «se prêter comme un pantin désarticulé, de façon à remplir un volume parfois amputé par les ombres, parfois rehaussé par un excès de lumière»… La danse est l’un des thèmes favoris de Steiner. Lisa Fonssagrives fait l’objet d’instantanés dans la nature. Un des magazines auxquels collabora le photographe présente un cliché de la danseuse étoile Olga Spessivtseva en extension. Nous avons droit aussi à une série de sauts spectaculaires, certains les pieds joints, d’autres ornés d’arabesques, à un grand écart ou split.
Visuel : André Steiner, Arabesque aérienne, c. 1935, Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais © Nicole Steiner-Bajolet.
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