Ce vendredi 4 avril, le chanteur et guitariste malien Amadou Bagayoko est mort à Bamako. S’étant fait connaitre par son duo avec sa femme Mariam Doumbia, il s’est éteint à l’âge de 70 ans. Retour sur cette figure emblématique de la scène musicale.
Pluie d’émotions dans le monde de la musique. Amadou Bagayoko est décédé ce vendredi 4 avril à Bamako au Mali, à 70 ans, des suites d’une maladie. Derrière lui, il laisse sa femme Mariam avec ses trois enfants, Ibrahima, Samou et Kadiatou, mais aussi un héritage musical et un engagement avéré.
C’est dès l’âge de deux ans qu’Amadou a tâté des percussions pour la première fois. Né à Bamako le 24 octobre 1954, il fait rapidement preuve d’un vif attrait pour la musique et le chant. À 10 ans, Amadou affirme son penchant pour l’harmonica et la flûte. Ce n’est que peu après, lors de son adolescence, qu’il se tourne définitivement vers la guitare. Instrument qui l’accompagnera tout le long de sa carrière.
Son adolescence fut aussi marquée par sa cécité. Alors âgé de 15 ans, Amadou perd la vue à cause d’une cataracte congénitale. Il ne voit plus les images, « mais elles sont dans ma tête, je reconnais les carrés et les rues de Bagadadji, et je peux toujours y guider un taximan », confie-t-il au Point. Un mal pour un bien, car sa condition l’amène vers une rencontre qui changera sa vie. En 1976, à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, Amadou rencontre Mariam, de quatre ans sa cadette. Lui guitariste, elle chanteuse, Amadou et Mariam sont tous deux membres de l’orchestre Éclipse Orchestra de l’institut. Sur scène comme dans la vie, les jeunes artistes forment un couple qui ne tardera pas à devenir légendaire. En 1980, Amadou passe la bague au doigt de Mariam et leur carrière musicale commence à la même période que leur vie conjugale.
1986 marque le début de leur ascension vers un succès international. Cette année, le jeune couple s’installe à Abidjan en Côte d’Ivoire, et rencontre Stevie Wonder à la même période. S’ensuivent des années de tournées en Afrique de l’Ouest, ainsi qu’une première fois à Paris en 1994 pour une session d’enregistrements. Quelques années plus tard, leur titre Je pense à toi enflamme les radios françaises et 100 000 exemplaires en sont vendus. C’est le début de la notoriété fulgurante du couple bamakois.
En 2004, leur album Un dimanche à Bamako connait le jour, avec la participation de Manu Chao. Le guitariste a accompagné Amadou et Mariam dans la production ainsi que dans l’écriture et la composition de plusieurs titres de l’album. Une collaboration qui porte ses fruits. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’album est vendu en 300 000 exemplaires en France et est certifié disque de platine. L’année suivante, le duo d’artistes est récompensé par le ministre de la Culture, reçoit la prestigieuse Victoire de la musique et est également nommé au Prix Constantin. De quoi annoncer une carrière bien prometteuse.
Coachella, première partie de U2, Jeux Paralympiques de Paris… le couple de stars bamakois rayonne sur la scène musicale internationale. Mais lorsqu’ils n’ont plus leur micro en main, Amadou et Mariam sont des activistes engagés. En 2011, ils deviennent ambassadeurs du projet solidaire de lutte contre la faim dans le monde. Deux ans plus tard, ils poursuivent leurs efforts avec Africa mon Afrique, un projet en partenariat avec le Programme alimentaire mondial. Ainsi, les chanteurs rencontrent leur public issu des banlieues parisiennes avant chaque concert. Cette initiative donne par ailleurs son nom à la chanson Africa mon Afrique de l’album Folila, où Amadou et Mariam mettent leur continent en exergue. De surcroit, le couple s’engage en faveur de la protection des femmes du Congo. Leur compilation Raise Hope for Congo appelle à la paix de la population congolaise.
Amadou ne voyait peut-être pas le monde, mais sa clairvoyance surpassait celle de beaucoup.
© Bryan Ledgard