La comédienne Agnès Berthon s’est éteinte dimanche 17 août au matin, entourée de ses proches, après un long combat contre la maladie. Elle avait 66 ans. Figure star du théâtre contemporain, elle fut l’une des interprètes majeures de Joël Pommerat et de la Compagnie Louis Brouillard, avec laquelle elle aura partagé plus de quinze créations.
Née à Alger le 23 juin 1959, en même temps que sa sœur jumelle Florence, Agnès Berthon grandit entre le Massif central et Nice. Adolescente, elle se passionne pour le rock anglo-saxon, fréquente la scène musicale niçoise et fait sensation, avec sa sœur, derrière les platines des bars étudiants de Montpellier. Sa trajectoire l’emmène en Angleterre, pigiste pour le magazine Rock & Stock, avant un passage à Paris où, après un concours manqué au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, elle s’impose sur les scènes indépendantes dans les années 80.
Elle rejoint en 1988 la troupe de Christian Benedetti au Théâtre-Studio, avant de revenir vers la musique dans les années 90. Sa rencontre avec Christophe Miossec, dont elle partage un temps la vie, marque cette période, l’album Boire lui est dédié. Elle collabore aussi avec Dominique Sonic à Rennes.
La bascule vers le théâtre se produit en 1997, lorsqu’elle croise Joël Pommerat. À partir de Treize étroites têtes, elle devient l’une de ses actrices de prédilection, incarnant au fil des ans des présences inclassables, à la fois incarnées et désincarnées, dans Au monde, Les Marchands, Ça ira (1), fin de Louis ou La Réunification des deux Corées. Sur scène, elle imposait une intensité rare, entre réalisme magique et mystère, capable trouer le silence comme par une apparition tranchante ou subliment kitsch.
Parallèlement, elle développe un parcours au cinéma, privilégiant les univers singuliers et poétiques. On la retrouve chez Bertrand Mandico (Notre-Dame des Hormones), Arnaud des Pallières (Captives) et bientôt dans Les Immortelles de Caroline Deruas, en ouverture de la Mostra de Venise 2025. Elle préparait également un long métrage avec Stéphane Rizzi, avec lequel elle avait tourné de nombreux courts, ainsi qu’un projet de récital parlé-chanté.
Ses proches rappellent son rapport attentif au monde, sa capacité à accueillir les hasards, son goût pour l’écoute et le partage. Marquée par la perte brutale de sa mère durant son enfance et par sa gémellité fondatrice, elle avait fait de l’existence un espace de vigilance et d’intensité.
Artisane autant qu’artiste, compagne de troupe autant que solitaire, Agnès Berthon laisse une empreinte indélébile dans le paysage théâtral français : une présence rare, à la fois fragile et puissante, qui habitait les œuvres de Pommerat d’une aura quasi hallucinée.