On connaît tous quelqu’un.e – ou serait-ce nous ? – qui part pour se retrouver : retrouver qui l’on est, retrouver qui l’on aime ou simplement retrouver le goût du lien. Laurent dans le vent réalisé par Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon présenté par l’ACID à Cannes, suit le parcours discret de Laurent, qui s’installe sans but précis dans un village en hauteur, une station de ski hors-saison.
Les premières images marquent les esprits d’un envol : des jambes, suspendues dans le vide, qui survolent des champs. Parle-t-on de liberté ou de perte de contrôle ? Puis, l’arrivée de Laurent (Baptiste Perusat) dans l’appartement de sa sœur, face aux montagnes enneigées, pose le décor : des échanges troublants ponctués de silences et d’une retenue étrange. Le duo entre Baptise Perusat, arborant des regards de timidité, et Béatrice Dalle, avec sa voix rauque et ses yeux pleins de malice, incarnent déjà cette étrangeté tendre qui plane sur tout le film.
Que faire quand on est seul dans un endroit pareil ? Le long-métrage suit Laurent dans ses dérives, souvent nocturnes : balades forestières, promenades sur les chemins désertées du village, routes de montagne à moto. Et, sans qu’on ne s’en rende compte, on rit. On s’attache, éprouvant pour Laurent une tendresse et une empathie sincère. Car derrière son allure un peu fragile, paumée, se révèle une assurance tranquille et une sincérité désarmante.
Chacune de ses errances, loin d’être vaines, dessinent peu à peu une trajectoire claire : celle du lien. Loin du tumulte des saisons touristiques, le village vit au rythme de ses habitants et de leurs habitudes. Et Laurent, presque malgré lui, se lie et se mêle avec eux. L’amitié, l’amour et le désir dépassent le genre et les âges, le menant à des rencontres chacune plus singulières les unes que les autres. Il croise alors une vieille femme en robe de chambre prête à en finir (Monique Crespin), un photographe marseillais qui rêvait d’être danseur (Djanis Bouzyani), une mère célibataire ancienne hippie (Béatrice Dalle) et son fils ultra fan des Vikings (Thomas Daloz)… Autant de portraits décalés et touchants de personnages explorant leurs rêves et leurs idéaux. Le ton, toujours juste, oscille entre ironie légère et tendresse, sans jamais tomber dans la caricature ou dans la comédie sociale.
Lorsqu’à Noël, il rentre voir sa sœur (Suzanne De Baecque), on découvre Laurent moins à l’aise, plus en retrait. La scène du petit déjeuner, où résonne Desaparecido de Manu Chao, comme un au revoir silencieux, ponctue le film d’une émotion certaine. Car il y a ceux qui partent, ceux qui disparaissent et ceux qui restent.
On lui a dit qu’en enterrant quelqu’un du village, on devenait véritablement l’un de ses habitants. Ainsi quand il revient du cimetière, ce regard échangé avec une chèvre magique, ultime geste poétique, nous laissent avec un sentiment paisible et une certitude tranquille. Laurent a trouvé sa place, dans le vent, au creux d’un lien tissé patiemment et simplement.
Visuel : ©Mabel Films