Le 26 février 2025, face à la fatigue, l’insécurité et le désespoir grandissants de pouvoir maintenir cette aide précaire pour près de 450 mineur.es, dans un espace inadapté et une solidarité bénévole de la part des équipes, la Gaîté Lyrique annonce : « ne plus être en mesure d’assurer la gestion, l’entretien et l’exploitation du bâtiment ».
Alors que les yeux sont rivés sur la gestion des équipes de la Gaîté Lyrique, le communiqué de presse, ainsi que la conférence donnée ce matin, soulignent avec force la nécessité de toustes à appeler collectivement à la responsabilité de l’État et à une prise en charge immédiate.
Après 80 jours à appeler à l’aide des autorités compétentes, à la responsabilisation de l’État et/ou de la Ville de Paris (qui ne cessent de se renvoyer la balle), la situation devient « explosive, avec une promiscuité intenable, et les violences liées à cette promiscuité sont croissantes en gravité et en fréquence ». C’est notamment un départ de feu qui matérialise cette situation de plus en plus urgente et préoccupante.
De fait, après avoir tenu la situation à bout de bras dans une entraide solidaire et bénévole de la part des équipes, des ONG et des personnes du quartier face à cet accueil forcé, d’urgence, la Gaîté Lyrique annonce dans son cinquième communiqué que :
« Sans intervention des autorités d’ici vendredi, la Gaîté Lyrique SAS et ses équipes seront contraintes de quitter le bâtiment et de suspendre l’exécution des contrats des prestataires en charge de la sécurité incendie, de la sûreté, de l’hygiène et la propreté, de la maintenance, de la collecte des déchets ».
Ce départ n’est autre que le résultat d’un abandon politique et d’aides d’autorités compétentes pour loger dignement et aider aux soins des personnes reliées à ce Collectif. De fait, cette décision, remet de force la responsabilité aux personnes compétences : la Ville de Paris et/ou le gouvernement. Par cette annonce, le lieu culturel, au-delà de se mettre en sécurité et d’appeler à un relai urgent et immédiat, espère que les politiques prendront leurs devoirs en main.
Benoît Hamon, présent à la conférence de presse de ce matin, rappelle que « c’est le devoir d’un État de droit » que d’accueillir et d’héberger des personnes en situation d’extrême vulnérabilité. Cette situation et l’irresponsabilité de l’État est « un scandale absolu ».
Malgré l’aide solidaire et bénévole de nombreux salarié.es du lieu, d’ONG et d’association, qui ont instauré des systèmes de garde et de sécurité 24h/24, la situation est gelée et inhumaine. Plus de 440 personnes dorment les unes sur les autres, les virus se transmettent (la grippe notamment) et les réactions du monde en dehors du 3 bis rue Papin, se font attendre depuis désormais 81 jours dans un silence assourdissant.
La sécurité de toustes, occupant.es et personnes aidantes, est mise en danger par ce silence et cette inaction.
Il nous paraît nécessaire et urgent de noter que cette situation de personnes sans papiers et non-accompagné.es par le système français, dans un lieu culturel de Paris, est symptomatique des politiques migratoires gelées et des camps de migrant.es et réfugié.es, dont personne ne souhaite réellement entendre parler et que des associations aident chaque jour dans un silence et un aveuglement total de la part des politiques et des médias.
En effet, malgré une grande visibilité culturelle et un lien avec la Mairie de Paris, la Gaîté Lyrique, lieu culturel reconnu de la capitale, n’est pas aidé et est laissé dans un vide juridique, mais aussi social et humain, total.
Les lieux vacants sont nombreux dans la capitale qui a accueilli il y a quelques mois 11 millions de personnes pour des Jeux-Olympiques et un afflux de personne géré avec grand soin par l’État et la Ville de Paris. De nombreux espaces ont été soufflés de-ci de-là comme des potentiels lieux d’accueil pour ces jeunes du Collectif de Belleville : des gymnases, des lycées, le Val-de-Grâce… Dans tous les cas, les endroits existent pour des conditions sanitaires, psychologiques et humaines bien plus dignes et salubres.
Face à ce vide juridique et au gel politique et social qui en découle, cette inaction qui met en péril la santé et la vie de plus de 440 personnes racisé.es, soulève des problématiques plus larges liées à un racisme systémique et grandissant.
Actuellement, sur les réseaux, des groupes d’extrême-droite sont en train de récupérer cet événement pour critiquer la « destruction » de lieux culturels par des personnes racisé.s et sans-papiers (alors qu’il n’y a pas de destruction) afin d’alimenter une politique « anti-migratoire » qu’ils promeuvent avec force et conviction.
De plus, l’absence de réaction de l’État et de la Ville de Paris ne fait qu’aggraver la situation et les inscrire dans une continuation de violences systémiques racistes.
Face à cette lutte antiraciste et culturelle, nous nous demandons quel est le cheminement vers des solutions viables tant d’un point de vue politique que social. Il est plus que nécessaire de se mobiliser pour soutenir et donner de la visibilité à ce collectif, mais également aux associations et autres organismes qui aident ces personnes à travers la France (et le monde). D’autant plus que les flux migratoires et les réfugié.es politiques et climatiques ne vont faire que s’accentuer les prochaines années.
Quelle responsabilité pour les lieux culturels et les citoyen.nes face à l’inaction de l’État et de la Ville de Paris ? Quelles actions et soutiens mettre en place de manière collective et publique ? Quels espaces ouvrir et aménager pour répondre à ces besoins humains et vitaux ? Quels outils et quels supports peuvent être pensés et organisés pour des soins, des supports psychologiques et sanitaires, dans des espaces collectifs où les violences liées à la promiscuité ne peuvent être évitées ?
Dans sa newsletter du jour, La Déferlante évoque un espace ouvert en juillet dernier par Médecins sans frontières d’un lieu d’accueil non-mixte pour des jeunes filles exilées, migrantes. Ces jeunes femmes, sont davantage exposées aux violences masculines, aux violences sexistes et sexuelles, à des « mutilations génitales » ou des « mariages forcés ». Des lieux d’accueils particuliers et spécialisés semblent nécessaire pour que le soin et la sécurité soient possibles pour toustes dans des espaces de mises à l’abri.
De nombreuses associations, comme Utopie 56, se mobilisent tous les jours et toutes les nuits, pour aider les personnes exilé.es, dans un contexte de crise migratoire en Europe, de plus en plus préoccupant.
Ainsi, si nous suivons de près la situation à la Gaîté Lyrique et que celle-ci se fait entendre et est visible (toute proportion gardée), cela rappelle l’inaction générale des politiques de notre pays concernant les problématiques de personnes exilé.es. En attendant les prochains jours et les prochaines semaines, voici une tribune de soutien publié dans Télérama.
visuel : ©capture d’écran page d’accueil du site de la Gaîté Lyrique