Le 27 janvier 2025 marquera le 80e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. En France et en Europe, institutions, associations et acteurs culturels se mobilisent pour rendre hommage aux victimes de la Shoah, rappeler l’importance du devoir de mémoire et sensibiliser les nouvelles générations à travers une série de commémorations et d’événements culturels de grande ampleur.
Dans toute la France, dans chaque ville, chaque village, chaque arrondissement, chaque quartier, chaque maison, chaque esprit, chaque cœur, résonneront les atrocités d’un passé qu’il faut réactualiser.
À Paris, le Mémorial de la Shoah prend une place prépondérante dans les commémorations, organisant une série de rencontres exceptionnelles, dont des témoins et des historiens de renom.
Le matin du 19 janvier, un parcours mémoriel intitulé Simone Veil, parcours d’une vie retracera le destin de cette femme d’exception, survivante des camps et figure politique majeure, de son retour à Paris après la déportation jusqu’à son entrée au Panthéon.
Le dimanche 19 janvier, le public aura l’occasion d’écouter les témoignages bouleversants de Yvette Lévy et Judith Elkán-Hervé à 14h, puis de Esther Sénot et Ginette Kolinka à 16h. Ces rescapées, figures incontournables de la transmission de la mémoire, partageront leur parcours avec une assistance restreinte à 120 personnes dans l’auditorium Edmond J. Safra. Cette rencontre est avant tout une occasion d’en apprendre davantage sur ce que la mémoire ne dit pas toujours avec précision : la réalité des camps.
Le jeudi 30 janvier, l’historien britannique Ian Kershaw, référence mondiale en ce qui concerne le nazisme, interviendra lors d’une conférence d’exception aux côtés de Florent Brayard, directeur de recherche au CNRS, pour analyser les mécanismes de la radicalisation du régime hitlérien. Cette conférence, qui aura lieu à l’Auditorium Edmond J.Safra à 19h, rappellera la prépondérance de l’Histoire, dans un monde où les faits sont parfois oubliés.
Enfin, le mardi 4 février, le directeur du Musée d’Auschwitz, Piotr M.A. Cywiński, présentera son ouvrage Auschwitz. Une monographie de l’humain, synthèse de dix années de recherches approfondies sur les témoignages des survivants, en dialogue avec la philosophe et journaliste Géraldine Muhlmann.
Du lundi 20 janvier 2025 au lundi 3 février, une série de commémoration aura lieu dans les écoles et collèges de Lyon et des alentours (20 janvier, 10h, Collège Jean Monnet ; 17h, Collège Molière ; 21 janvier, 10h Collège La Tourette ; 16h30, Collège Bellecombe ; 23 janvier, 14h30, Collège Gabriel Rosset ; 24 janvier, 14h30, École Audrey Hepburn ; 28 janvier, 16h, Collège Simone Lagrange ; 3 février, 14h30, Collège Louis Aragon).
Le dimanche 26 janvier, à 10h, se tiendra l’inauguration du Mémorial de la Shoah, en hommage aux juifs déportés de la gare de Perrache à destination de Drancy et des camps de la mort. Officiellement annoncé le 13 septembre 2019, le Mémorial de la Shoah comptera 1173 mètres de rails d’acier, évoquant la distance qui sépare Lyon d’Auschwitz-Birkenau. Sur l’un des rails, figurera le nombre de juifs déportés originaires de la région : 6 100.
Enfin, une rencontre avec les auteurs du livre Un album d’Auschwitz, au Goethe Institut le 30 janvier, à 19 heures. L’Album d’Auschwitz est un recueil de photographies retrouvé par la survivante Lili Jacob après la libération du camp de Dora-Mittelbau. Ces images, prises entre mai et juillet 1944, capturent l’arrivée de milliers de juifs hongrois, dernière étape avant leur extermination ou leur incarcération. Le livre, après plusieurs éditions depuis les années 1980, est pour la première fois présenté avec une analyse critique approfondie par trois historiens : Tal Bruttmann, Christoph Kreutzmüller et Stefan Hördler. Après cinq ans de recherche, ils examinent les raisons et le contexte de ces photos prises par les nazis, tout en identifiant des individus et des séries d’images. Ils analysent également les mises en scène, révèlent des détails inédits et mettent en lumière des gestes de résistance, aussi minimes soient-ils, des déportés.
Du 15 janvier au 12 mars, le Musée d’Aquitaine propose de retracer les lieux emblématiques de la seconde guerre mondiale à Bordeaux, entre Le Pont de pierre, le Grand-Théâtre et la place Pey-Berland.
Le jeudi 23 janvier, à 16 heures, Delphine Diaz, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Reims Champagne-Ardenne, tiendra une conférence intitulée « Vivre en exil en France, de la Deuxième République à la Grande Guerre », à l’Auditorium de la bibliothèque Mériadeck.
Les commémorations officielles se doublent d’une riche programmation culturelle qui explore la mémoire de la Shoah à travers l’art, le cinéma et la littérature.
Du 20 janvier au 28 février, l’exposition Au-delà de l’Abîme présentera une série de photographies d’Olivier Mériel, qui s’est évertué d’immortaliser les camps d’Auschwitz. Une cérémonie officielle aura également lieu le jeudi 23 janvier à 18h30 avec Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO et Eric de Rothschild, Président du Mémorial de la Shoah.
Le jeudi 23 janvier, le Mémorial de la Shoah inaugure une exposition inédite intitulée « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 ». Cette exposition interroge les rouages du génocide nazi à travers l’Album d’Auschwitz et d’autres archives visuelles comme l’album Höcker, les dessins de David Olère, survivant du Sonderkommando, et des photographies clandestines prises par des membres du Sonderkommando.
Le mercredi 29 janvier, une avant-première du film The Brutalist de Brady Corbet se tiendra à l’auditorium Edmond J. Safra. Ce drame, porté par Adrien Brody, explore l’exil d’un architecte européen après la guerre et questionne la reconstruction mémorielle et identitaire des survivants.
Le dimanche 2 février, le documentaire Le Procès d’Auschwitz : la fin du silence, réalisé par Barbara Necek, sera projeté au Mémorial de la Shoah de Drancy. Ce film retrace le procès historique de Francfort (1963-1965), qui marqua un tournant dans la reconnaissance des crimes nazis par l’Allemagne.
Champion d’Allemagne en 1933, Johann Trollmann, surnommé Der tanzende Zigeuner, est destitué par les nazis, persécuté, puis assassiné à Neuengamme. Son destin tragique revit dans Danser encore de Charles Aubert. Le 23 mars à 16h30, accompagné à l’harmonica et à la guitare, Bastien Bouillon en lira des extraits au Mémorial de Shoah, auditorium Edmond J.Safra.
Le lundi 22 janvier, la librairie Gallimard accueillera une discussion avec Sarah Gensburger, experte des politiques de mémoire, qui analysera la place de la Shoah dans les mémoires contemporaines et ses mutations à l’ère numérique.
Le jeudi 25 janvier, à la Bibliothèque nationale de France, une table ronde réunira Patrick Boucheron, historien, et Cécile Wajsbrot, écrivaine, autour des défis posés par la transmission des témoignages dans un monde en mutation technologique et idéologique.
Le dimanche 26 janvier, le Mémorial de la Shoah de Drancy organisera une conférence intitulée Dire l’indicible : Hommage à Primo Levi, rescapé d’Auschwitz et accueillera Béatrice Munaro, spécialiste de littérature comparée, pour une analyse approfondie de ce témoignage poignant, où l’écriture cherche à retracer la déshumanisation subie par son auteur : comment revenir à la vie après une telle tragédie ?
Depuis bientôt 20 ans, le Museumsportal a ouvert l’exposition permanente « Le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe », qui documente la persécution et l’extermination des Juifs d’Europe et les sites historiques de l’extermination.
Plus récemment, le Musée accueille jusqu’au 30 mars 2025 l’exposition « Karya 1943 », basée sur les photographie d’un ingénieur allemand engagé en Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale. Présentées au public pour la première fois, ces images montrent des travailleurs forcés juifs, dont la plupart ont été tués à Auschwitz après leur travail à la démolition d’une falaise pour la construction d’une voie ferroviaire en 1943.
Dans une architecture surprenante, l’exposition permanente « De la privation des droits au génocide » du Mémorial de l’Holocauste de Budapest relate l’Histoire du peuple juif dès 1938.
Le Kazerne Dossin invite l’exposition Burning memory, réalisée par le photographe Willy Del Zoppo. En tant qu’enseignant, il a visité Auschwitz pas moins de dix fois, ce qui lui a permis de réaliser une série de photographies. À chacun de ses passages dans le lieu, il a interrogé le devoir de mémoire face à l’oubli et au tourisme de masse. Son exposition Burning Memory met en scène cette disparition : il a brûlé ses tirages, plaçant leurs cendres sur une feuille blanche. Ce contraste entre effacement et persistance évoque la fragilité du souvenir et le risque d’oubli de la Shoah.
Inauguré le 10 mars 2024 à Amsterdam, le premier Musée national de la Shoah comble un vide mémoriel. Face au Hollandsche Schouwburg, ancien lieu de rassemblement des Juifs avant leur déportation, il retrace la vie de cette communauté et confronte les Pays-Bas à leur histoire. À travers 400 objets du quotidien, il met en lumière la persécution progressive qui a conduit à l’extermination de 102 000 Juifs. Sobriété et pédagogie guident ce parcours qui interroge les mécanismes de l’inhumain et rappelle l’importance de la vigilance.
Une riche sélection de documentaires et de reportages est disponible en ligne sur le site d’Arte et de France TV : Histoire de l’antisémitisme (Arte), Les quatre sœurs de Claude Lanzmann (Arte), Auschwitz, des survivants racontent (France TV) ou encore Simone Weil et ses sœurs (France TV).
Alors que les derniers témoins disparaissent, l’enjeu de la transmission de la mémoire se pose avec une acuité grandissante. Cette programmation dense souligne l’importance de transmettre l’Histoire de la Shoah, qui ne doit pas se limiter au souvenir : elle interroge, instruit et éclaire les ombres du passé pour mieux dessiner l’avenir.
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