Maria-Carmela Mini est la directrice du festival lillois qui se tiendra du 5 au 27 juin 2025. À quelques jours de l’ouverture, elle nous présente sa programmation évidemment plurielle et militante
Dès la création de Latitudes Contemporaines, j’ai souhaité que le festival soit le miroir ou le révélateur des sujets qui traversent les sociétés, non pas uniquement sur le territoire français, mais à l’échelle internationale. C’est ce qui a donné le nom du festival, avoir un regard ouvert sur le monde et sur les sujets contemporains. Pour construire la programmation, je fais avant tout confiance aux artistes, elles et ils sont pour moi aux avant-postes des questions qui émergent ou émergeront dans la société. Lors de mes déplacements et rencontres avec les artistes, j’écoute leurs questionnements et préoccupations et c’est ce qui va me donner le récit que je vais construire pour l’édition à venir du festival. Bien évidement cela se fait à mesure des spectacles vus et des échanges et non pas d’une posture définie à l’avance.
Comme je le disais, ce qui m’importe dans la mise en place de la programmation c’est la cohérence du ou des récits que je souhaite que nous traversions. Les artistes peuvent aborder un sujet, via la chorégraphie, le théâtre, la musique, la performance, etc. Je m’attache dans un premier temps à la manière dont l’artiste va aborder tel ou tel sujet et ensuite à la qualité du travail. Le médium devient donc secondaire et c’est à l’artiste de décider s’ il ou elle a besoin de tel ou tel outil pour développer un propos et la manière la plus adaptée de le partager avec le public.
Cela demande une grande écoute, une grande curiosité et beaucoup de rencontres. J’essaye de ne pas partir avec des a priori et de voir ce qui me parait intéressant à découvrir même si la proposition est encore fragile. Ensuite il faut faire confiance à son intuition et prendre le risque, c’est un peu notre rôle de prendre ce risque et d’assumer aussi que nous pouvons nous tromper. En écrivant ce mot « tromper » je me demande ce que cela veut dire pour moi dans la mesure où ce qui m’intéresse c’est le parcours qu’a fait ou que va faire l’artiste et non pas ce qu’elle ou il va produire à l’instant T. Si Latitudes Contemporaines a permis à une ou un artiste d’affirmer son geste créatif, c’est déjà beaucoup et cela fait aussi partie du fait festivalier. Le public qui vient au festival, y vient également pour y faire des découvertes et si celles-ci ne sont pas à la hauteur de ses attentes, il sait que cela fait partie du jeu. C’est la raison pour laquelle, j’aime présenter le travail d’une ou un artistes dans plusieurs éditions, cela permet au public de voir son évolution et de penser plutôt en parcours d’artiste, qu’uniquement en qualité de spectacle.
Comme je le disais plus haut. J’accorde beaucoup d’importance à l’environnement et au lieu dans lequel je programme un spectacle. Le fait d’avoir plusieurs lieux permet d’essayer d’être au plus juste de cette adéquation : lieu/spectacle/public. Cela permet aussi d’aller chercher de nouveau public et de travailler à leur mobilité, au moins à l’échelle de la métropole. Le dialogue se fait également avec les lieux qui nous accueillent et bien entendu, j’accorde de l’importance à la ligne artistique des lieux qui nous accueillent. J’essaie aussi d’utiliser le fait festivalier pour apporter une touche supplémentaire à la programmation déjà existante. Si je prends l’exemple d’un musée, je vais m’intéresser à l’exposition qui aura lieu dans le musée pendant le festival et vais orienter la programmation en fonction des œuvres exposées. Mon travail alors sera d’augmenter le sujet de l’exposition par une œuvre vivante.
Le fait festivalier est une chose bien particulière, le public vient dans un festival pour son identité et sa ligne de programmation, pour sa prise de risque et les découvertes qu’il va y faire. L’ambiance, le côté festif et les échanges possibles entre artistes et le public, permet à ce dernier de se mettre dans un état d’esprit particulier, ouvert, critique et curieux. Le rôle du festival doit rester celui d’un moment privilégié entre artistes et public. J’aimerais donc que cela soit toujours le rôle des festivals, des moments de fêtes et des moments de beauté, de force et d’exigences artistiques. Un lieu où chacun puisse trouver sa place et où toutes les différences peuvent s’exprimer.
Lattitudes contemporaines
du 5 au au 27 juin 2024
Maria-Carmela Mini © Julien Pebrel