Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, le documentaire « 13 Novembre, nos vies en éclats », réalisé par Valérie Manns et produit par l’INA, est diffusé sur France TV. Ce film documentaire, issu du Programme 13-Novembre, une étude scientifique menée par le CNRS et l’Inserm, explore l’évolution de la mémoire individuelle et collective à travers les récits de personnes dont la vie a été bouleversée par ces événements.
L’étude a débuté quelques mois après les attentats du 13 novembre et s’est poursuivie en 2018 et 2021. Les derniers entretiens auront lieu en 2026. Dirigée par Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS, et Francis Eustache, neuropsychologue, cette étude a mobilisé plus de 200 chercheurs en science sociale et en neuroscience. Près de 1000 volontaires ont accepté de témoigner sur ce qu’ils ont vécu et ressenti ce soir-là, et comment ça a chamboulé leur vie. Les volontaires sont des témoins, rescapés, habitants des quartiers où se sont déroulés les attentats et des habitants d’autres villes. Cette étude permet de comprendre comment les traumatismes du passé peuvent évoluer et comment les personnes tentent de se reconstruire malgré le traumatisme.
Le documentaire évoque également un autre volet du programme, l’étude « Remember », qui étudie l’évolution du trouble de stress post-traumatique. Cette étude cherche à comprendre les mécanismes cérébraux qui contrôlent la mémoire et régulent l’apparition d’images traumatiques. Le TSPT affecte plusieurs régions du cerveau, dont l’hippocampe, siège central de la mémoire. On estime aujourd’hui à 4 000 le nombre de victimes, physiques et psychiques, des attentats du 13 novembre 2015.
Parmi les 1 000 volontaires de l’étude, 27 ont accepté d’apparaître dans le documentaire, alors que l’étude n’était pas destinée à être diffusée au départ. À travers leurs récits, le documentaire ne se contente pas de retracer la chronologie des attentats, il explore l’évolution de la mémoire individuelle et collective.
Tous ont accepté de livrer une part intime de leur histoire pour témoigner de leur ressenti, et de la manière dont ces souvenirs sont toujours présents. Certains, comme Philippe, major de la Garde républicaine présent au Stade de France, n’ont témoigné qu’une seule fois, six ans après les faits. Rongé par la culpabilité, il confie « Cela va peut-être choquer, mais j’aurais tellement voulu au moins recevoir un petit boulon, quelque chose ». Comme pour Manon qui se trouvait en terrasse ce jour-là, elle se dit « Coupable de ne pas avoir été blessée. Coupable de ne pas avoir été capable de sortir du restaurant pour aller aider tous ces gens. Je me sens coupable et à la fois je n’y suis pour rien ». La plupart des volontaires ont témoigné à trois reprises, en 2016, 2018 et 2021, répondant aux mêmes questions à chaque fois. Les témoignages révèlent des parcours différents, certains parviennent à parler des faits avec distance, d’autres revivent encore profondément les événements. Certains se sentent coupables d’avoir survécu, d’autres cherchent à donner un sens à ce qu’ils ont vécu.
Le documentaire s’ouvre sur des appels téléphoniques au Samu, enregistrés le soir du 13 novembre 2015, pour une immersion dans la réalité de cette nuit. Puis, les témoignages se succèdent sur fond noir, filmés dans une pièce vide. Cet espace neutre permet de se concentrer uniquement sur la parole et les émotions des volontaires.
La réalisatrice a choisi un montage chronologique, suivant heure par heure le déroulement des attaques, du Stade de France aux terrasses des cafés, jusqu’à la salle du Bataclan. Ce documentaire est nécessaire car au-delà du choc, demeure la volonté de se souvenir pour ne jamais oublier.
Visuel : © France TV